Depuis presque un an, le Covid-19 bouscule les organisations de travail. La généralisation du télétravail, qui limite les contacts physiques, vise à préserver la santé des salariés et de l’ensemble de la population. Néanmoins, le distantiel nécessite une attention particulière de la part du manager. Philippe Coj, président du Ciamt, livre quelques conseils.
La prévention, une mission essentielle
Une approche réductrice limite la santé au travail aux visites médicales obligatoires visant à vérifier que le salarié est « apte » à exercer son activité professionnelle, ou à l’aménagement des postes de travail. Ces missions sont importantes, mais aujourd’hui, qui dit santé au travail dit surtout prévention et réduction des risques. La dernière loi réformant la médecine du travail, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, souligne avec force le rôle de la prévention. Selon Philippe Goj, président du Ciamt, il s’agit d’un axe essentiel, y compris lorsque votre salarié effectue son travail à distance. Il faut « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail », comme le dit la loi fondatrice de 1946, mais également prendre en compte la santé globale des salariés, aussi bien physique que mentale. Le rapport intitulé « L’essentiel 2019 : Santé et sécurité au travail », publié en octobre 2020 par l’Assurance maladie, note une augmentation de 6% des affections psychiques reconnues au travail. Un chiffre à garder en mémoire dans un contexte source de stress pour un certain nombre de collaborateurs.
Être attentif aux signes de mal-être
Un salarié ne traite pas ses mails et ne décroche pas le téléphone ; est actif tard en soirée ou pendant les horaires de sa pause déjeuner ; est systématiquement en retard lors des visioconférences ; se montre plus en retrait qu’à son habitude… Ces situations, surtout lorsqu’elles se répètent, doivent vous alerter. Elles peuvent évoquer une baisse de motivation, un surmenage, des troubles du sommeil, de l’anxiété ou encore de la déprime chez le télétravailleur. Le manager n’est pas médecin et ne pose pas de diagnostic, mais il doit pouvoir repérer les signes d’appel. Le salarié peut ensuite être orienté, si besoin, vers la personne ou le service adéquat, qui doivent avoir été identifiés en amont.
D’après Philippe Goj, si tous les télétravailleurs peuvent se retrouver en difficulté, certains profils demandent une attention accrue. C’est le cas des personnes qui télétravaillent pour la première fois, de celles qui viennent tout juste d’être embauchées et n’ont pas l’expérience du présentiel dans votre entreprise, des jeunes diplômés ou encore des salariés qui ne sont pas à l’aise avec les outils numériques.
Le bien-être au travail profite aussi à l’entreprise
Selon Philippe Goj, les pratiques managériales sont l’un des déterminants de la santé des salariés, y compris à distance. Organiser des temps d’échange réguliers et repérés est nécessaire. Les rendez-vous individuels permettent au salarié et au manager d’échanger sur des difficultés éventuelles. Les temps d’échange en groupe alimentent la cohésion d’équipe. Il est aussi possible, si c’est la culture de l’entreprise, de mettre en place des temps informels tels que des « pauses café numériques » pour limiter l’isolement professionnel. De nombreux collaborateurs en télétravail peuvent avoir l’impression que le travail accompli est invisible et peu reconnu, ce qui est une source de démotivation. Les retours constructifs et les feedbacks positifs du manager permettent de limiter ce phénomène.
Le télétravail brouille les espaces privés et professionnels. En 2017, un rapport d’étude de l’Ifop révélait que pour 51% des personnes interrogées, la possibilité d’avoir un accès permanent et simplifié aux outils de communication professionnelle engendrait un stress supplémentaire. Le manager doit respecter et faire respecter le droit à la déconnexion.
Enfin, « investir » dans la santé de ses salariés est un investissement utile pour l’entreprise elle-même. La productivité et la qualité du travail s’en ressentent. C’est aussi une attente forte : d’après l’enquête « Le regard des salariés à l’heure de la crise », 81% considèrent le bien-être au travail comme un enjeu prioritaire.