Batman est-il vraiment le héros de Gotham City?

Batman est sans conteste une des figures de la pop-culture qui aura marqué les époques et survécu à la modernité comme la DeLorean de « Retour vers le futur » ou certains tueurs de films d’horreurs. Avec des films, des jeux vidéo mais aussi des comics qui sortent régulièrement, il reste la star de DC, l’éditeur historique de Superman, Wonderwoman et tant d’autres.

Pourtant, plusieurs choses séparent Bruce Wayne des autres membres de la Justice League. Batman est atypique, étrange, c’est un intrus au sein même de l’univers des super-héros en général. C’est même l’anti-super héros par excellence. 

Un héros qui ne fait rien comme les autres

Tout d’abord, il n’a aucun pouvoir. L’argent et l’entraînement sont les moteurs de sa puissance. Combattant aguerri, stratège de génie, détective perspicace, il possède une myriade de qualités mais pas de force surhumaine, aucune vitesse supersonique, rien.

Son statut social est lui aussi bien différent de la mythologie ordinaire concernant les super-héros. Si Superman a été adopté par des gens modestes, si Peter Parker vit dans un petit appartement avec sa tante, ce n’est pas le cas de Bruce Wayne qui a hérité de la plus grande fortune de la ville, ville qu’on imagine elle-même comme la plus grande du monde. Sa fortune est immense donc, il est non seulement puissant dans son costume noir à cape mais aussi dans un smoking. Contrairement aux autres, la puissance ne le quitte pas une fois les collants enlevés. En civile, il fait partie de l’élite corrompue de Gotham qu’il combat une fois la nuit tombée. Le paradoxe est probant lorsque l’on remarque que l’entreprise de Bruce Wayne aide souvent la ville à se « reconstruire », mais jamais pour améliorer directement le sort des habitants. Souvent, les décors sont reconstruits à l’identique. Que cela participe à l’esthétique de la ville pour les innombrables dessinateurs qui se sont succédé à la faire vivre depuis 1939, c’est, sans aucun doute, vrai. Mais, le fait reste là. Bruce Wayne semble panser une jambe de bois, préférant lutter violemment contre les criminels que d’investir pour lutter contre la paupérisation de la ville. De là à dire qu’il se complaît dans un tel chaos, il n’y a qu’un pas.

 Le costume de Batman est aussi sombre que son porteur.

Et il y en a un autre qui s’épanouit pleinement dans les rues mal fréquentées de Gotham City, l’autre pan de la folie de la ville, l’opposé de Batman en apparence, le Joker. Si l’un est tout de noir vêtu, l’autre est en habit de lumière, arborant un violet et un vert on ne peut plus voyant. Les deux font fi des règles pour n’en faire qu’à leur tête. L’un se cachant derrière le masque de la justice pour le faire, l’autre sous celui d’une carte. 

L’ennemi de Batman ou son complice ?

Ce n’est pas un hasard si l’ennemi juré de Batman a choisi ce symbole. La figure du Joker fait non seulement référence au bouffon, celui qui se moque de tout, même du roi, mais c’est surtout une carte maîtresse, qui est en dehors de la plupart des jeux de cartes. Et pourtant, elle est là. Elle représente l’intrus, elle met en lumière celui qui n’est pas à sa place, celui qui transcende la règle, comme Batman. Car le jeu comme la société ont des lois, et c’est grâce à cela que l’on peut avoir un cadre normatif, un but et des jugements rendus équivalents. Qui peut s’imaginer une partie de cartes sans consignes ? Ce serait non seulement improductif mais aussi incompréhensible. Si le joker est autour d’une table, jouant, le problème ne sera pas tant qu’il ne connaît pas les règles du poker, mais bien qu’il n’en a que faire. Encore une fois, c’est un parallèle que nous pouvons faire avec le chevalier noir. Qui vraiment des deux tentent de changer les choses à Gotham City ? Celui qui, partant du principe que la ville est perdue, veut l’enfoncer dans le chaos, ou celui qui la maintient en assistance respiratoire, préférant laisser perdurer une situation qui ne convient à personne, sauf à lui-même ?

Batman, un méchant récurrent du DC Universe

 La plus connue des villes de super-héros reste Gotham City.

L’interrogation peut sembler étrange, mais une série très récente comme le « Batman qui rit » prouve que la frontière n’est pas si étanche. Il est à noter que le titre est une référence directe au roman ‘L’Homme qui rit » de Victor Hugo, une des principales sources d’inspiration revendiquées à la création du… Joker ! « Batman White Knight », une série de Sean Murphy dépeint même un Batman méchant aux prises avec un Joker représentant le camp du bien. Les rôles dans Gotham City ne sont pas aussi évidents. Cette mégalopole semble ainsi être le théâtre de la folie des Hommes, qu’ils se prétendent avatar de la justice ou du chaos. Bien plus qu’un manichéisme assez primaire, le Joker, Batman, le Pingouin, enfant abandonné dans les égouts, nous montrent une réalité dure, parfois poignante. C’est cette réalité qui crée le Joker, comme c’est celle-ci qui a créé Batman. La mort des parents de Bruce s’opérant dans une allée miteuse de la ville maudite. Le véritable héros des innombrables Batman, de ce point de vue, est bel et bien Gotham en tant que cité. Les deux protagonistes devenus mythes de la pop-culture étant l’expression des deux extrêmes qu’elle permet. Mais ils ne sont pas parfaits, loin de là, et c’est ce qui explique la popularité de Batman comme du Joker. 

 

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